Quérille Doré, institutrice au XIXe siècle

Une rare photo de l’une des premières institutrices du Lac-Saint-Jean, Quérille Doré, fille d’Éloi et Joséphine Tremblay, ainsi que ses souvenirs racontés à la fin de sa vie. À lire sur le site de l’Association des familles Doré dans la rubrique Archives historiques.

Un arbre de 13 millions de personnes

Publié dans la revue Science, un nouvel ensemble de données offre un éclairage inédit sur les 500 dernières années de mariage et de migration en Europe et en Amérique du Nord ainsi que sur le rôle des gènes dans la longévité. Et c’est grâce au travail laborieux sans doute de milliers de généalogistes curieux de leur histoire familiale qu’il a été possible de réaliser cet énorme arbre généalogique de 13 millions de personnes, explique un chercheur principal de l’étude, Yaniv Erlich, informaticien à l’Université de Columbia et MyHeritage, une société de généalogie et de tests ADN qui possède Geni.com

Décès d’Éliane Doré

Éliane Doré, que la généalogie et l’histoire ont mené à l’écriture, est décédée à Saint-Eustache le 17 novembre 2017 ; elle avait 83 ans. Associée très tôt aux activités de l’AFDI, elle avait publié en janvier 2002 une version romancée de la vie de son grand-père Joseph Évariste Doré sous le titre « Le Klondyke : aventure dorée, 1891-1919 ». Ce grand-père quasi mythique nomade et aventurier fut coureur de bois, draveur, dynamiteur et chercheur d’or et mourut tragiquement dans sa mine d’or lointaine du Yukon. Le Bulletin Doré a publié un texte d’Éliane Doré à l’été 1993 (vol. 1, no. 3). Elle était la fille de Joseph Honoré Doré, natif de Maniwaki, et de Juliette Meloche d’Ottawa. Sa lignée généalogique menait à Louis (1666) et Jeanne Dufossé.

Éliane Doré (1934-2017)

Éliane Doré

Décès d’un pionnier de l’AFDI

Marcel Doré (1949-2017)

Marcel Doré de La Baie est décédé le 4 novembre dernier, emporté par une maladie foudroyante. Fils de Jean et de Jacqueline Favre, de Chicoutimi, Marcel avait été un des cinq premiers membres de l'association, au début des années 1990. Il avait manifesté son intérêt pour reprendre du service généalogique à la fin de l'été dernier. Marcel était un philosophe, de coeur et de métier, qui a mis sa très grande empathie au service des enfants les plus mal pris de la société.

Titre d'ascendance de Marcel Doré

L’histoire de Blanche : l’enfance difficile

Blanche avait 4 ans quand se produisit un évènement qui allait changer pour toujours sa vie et avoir un impact déterminant sur ses descendants.

Un soir de 1906, son père John Maxime Lizette quitta en coup de vent (NDLR : Blanche dira 84 ans plus tard qu’il était parti « comme un cheveu sur la soupe ») la maison familiale de Moose Creek, Ontario, abandonnant sa femme Cécile Gagnon et ses quatre enfants John, 12 ans, Hubert, 6 ans, Blanche, 4 ans, et Lilly, 2 ans.

L'Orphelinat de Cornwall, vers 1909

Dans le souvenir de cette fillette de 4 ans, ce fut subi, parce que Blanche raconte que Cécile sa mère est partie à sa suite, le même soir, pour aller de l’autre côté du Saint-Laurent, à Massena, New York, chez ses beaux-parents où elle espérait avoir des nouvelles du fuyard. Elle avait laissé ses enfants chez des voisins à Moose Creek. La petite Blanche pleurait toutes les larmes de son corps, en répétant que son père et sa mère étaient partis, laissant seuls leurs enfants. Cécile revint auprès de ses enfants, le lendemain sans doute, mais pas « Jack » Lizette, qui ne cessa pas tout à fait ses présences à la maison. Cécile mit au monde, en effet, un fils, Joseph-Damien, en 1908, décédé un an plus tard.

Mais Maxime finit par partir définitivement vers les États-Unis ; il aboutira éventuellement dans l’Ouest canadien, à Winnipeg où il finira sa vie en 1931. La famille est chamboulée, totalement : le fils aîné John, qui a 12 ans, ira vivre et travailler chez ses grands-parents paternels qui possèdent un commerce à Massena ; il y passera les dix années suivantes. Cécile reste avec les trois autres enfants, Hubert, Blanche et Lilly, mais elle est incapable de gagner sa vie et la leur tout en les élevant. Rapidement, les deux fillettes sont placées à l’orphelinat, catholique et anglophone, de Cornwall ; il est possible que leur frère Hubert soit allé à l’orphelinat lui aussi, mais rapidement sa grand-mère Elisabeth le fait venir chez elle aux États-Unis.

Cécile Gagnon Lizette avec trois de ses enfants. Debout John, l'aîné né en 1894, qui pourrait avoir 6 ans, ce qui daterait la photo de 1900 environ. L'enfant assis à droite serait alors Wilfrid (1897-1900) et le bébé Pauline-Blanche (1899-1901).

John Lizette et son beau-frère François "Bébé" Gagnon, frère de Cécile.

La famille de Cécile Gagnon, vers 1908. Blanche, Hubert et Lilly. John Fils demeure alors chez sa grand-mère Elisabeth à Massena, NY.

Le passage à l’orphelinat fut une vraie épreuve pour Blanche ; le souvenir de ces moments dramatiques étaient encore frais à sa mémoire quand, vers la toute fin de sa vie de presque cent ans, au centre d’accueil de Métabetchouan où elle résidait, elle demandait à sa fille cadette Andrée « si maman allait venir nous chercher ».

Ce long séjour à l’orphelinat fut aussi l’occasion de l’anglicisation des enfants Lizette. Les sœurs catholiques qui s’occupaient des orphelins de Cornwall étaient presque toutes irlandaises, et c’est en anglais que les enfants étaient scolarisés. Blanche dira à Paul-Émile son fils qu’elle parlait anglais quand elle est arrivée au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en 1918, et savait seulement deux mots en français : « séminaire » et « cimetière ». Mais ces enfants étaient déjà sur la voie de l’anglicisation : leur père John, né d’une mère irlandaise unilingue anglaise, parlait rarement français même avec ses enfants, se remémore Blanche.

Le français, donc, elle l’apprit dans la famille de sa mère, d’abord chez sa tante Malvina Gagnon, mariée à Octave Couture, à Chicoutimi. « Sa fille avait deux enfants, je faisais le ménage » chez cette cousine qui demeurait sur la rue du Séminaire à Chicoutimi. Ensuite, après le décès de sa mère Cécile en avril 1919 à l’Hôtel-Dieu Saint-Vallier, chez ses oncles Émilien Gagnon et Thomas Coulombe (le mari de Georgiana Gagnon, la fille aînée de François et Pauline Dallaire et sœur de Cécile), cultivateurs à Couchepagane, où elle rencontra celui qui allait devenir son mari en janvier 1920, Héraclius Doré.

Entre les séjours à l’orphelinat et l’arrivée au Lac-Saint-Jean, la famille réduite de Cécile Gagnon a passé quelques temps à Montréal, dans le quartier situé près de la gare Windsor. Il semble que Cécile et ses filles soient arrivées dans cette ville avant 1916. Le contenu du recensement de 1911 nous apprend en effet que Cécile Gagnon, identifiée comme « chef de famille », reste encore à Moose Creek avec ses enfants Hubert, Blanche et Lilly.

John Fils reste encore à cette époque chez ses grands-parents à Massena. Mais à l’été 1916, il s’engage dans le Corps expéditionnaire canadien pour aller combattre sur le front en Europe. La famille réside alors place Jacques-Cartier,  à Montréal : « Nous sommes allées le reconduire au train qui l’amènera vers Halifax » pour la traversée vers l’Angleterre. John demande expressément qu’une partie de sa solde – 50$ par mois – soit versée à sa mère Cécile, sans mari et malade, qui demeure sur la rue Osborne à Montréal. Cette pratique se continuera jusqu’au décès de Cécile, en 1919, à Chicoutimi. Certains montants seront aussi versés à la grand-mère Elisabeth Holland Lizette, à Massena, NY.

À Montréal, Blanche commencera à travailler. Elle a 14 ans, parle anglais et comprend sans doute le français. C’est chez Dupuis Frères qu’elle s’initiera au marché du travail, emballeuse des achats des clientes, pour 1$ par jour, pendant un an. Cécile travaille aussi, mais Lilly va à l’école ; elle deviendra institutrice.

En 1917, après une visite à Montréal, l’oncle Thomas Gagnon ramène Blanche à Chicoutimi, rue du Séminaire ; elle s’installe chez sa tante Malvina Gagnon, mariée à Octave Couture : « Sa fille avait deux enfants, je faisais le ménage », raconte-t-elle.

Aux funérailles de Cécile Gagnon, le 19 avril 1919, ses trois enfants (Hubert, Blanche, Lily) signent l’acte de décès, de même que son frère Émilien Gagnon et son beau-frère Octave Couture. Le fils aîné John est encore en Europe ; il ne reviendra au Canada qu’à la fin de l’été 1919 et sera démobilisé à Québec.

La rue Osborne à Montréal, près de la gare Windsor vers 1915. Cette rue est devenue la rue La Gauchetière plus tard. C'est maintenant la rue des Canadiens-de-Montréal.

L'intersection des rues McGill et Saint-Jacques en 1907. À l'époque, c'est le centre-ville de Montréal.

Le grand magasin Dupuis Frères, en 1901. Blanche a travaillé quelques mois dans ce commerce en 1915-16.

L’histoire de Blanche : maîtresse de maison à 18 ans !

En 1919, Blanche est au Lac-Saint-Jean depuis quelques mois et partage son temps entre les familles de ses oncles Émilien Gagnon et Thomas Coulombe, à Couchepagane. La famille voisine est celle des Doré.

Les Doré habitaient le rang Sainte-Anne depuis quelques années ; ils sont arrivés là dans les années 1890, Éloi, troisième du nom, venant de Chambord où son grand-père et son père sont arrivés de Charlevoix vers 1878. Cette terre du rang Saint-Anne, c'est la première dont ils sont propriétaires au Lac-Saint-Jean.

En 1920, le chef de famille est la mère, Laure Villeneuve, veuve d’Éloi Doré, décédé en 1915 d'un "étranglement herniaire", à l’âge de 57 ans; leurs enfants vivent encore tous à la maison. Il n'est pas le chef de famille, ni propriétaire, mais c’est leur fils Héraclius qui cultive la terre. En se mariant avec lui, en janvier 1920, Blanche devient du même coup « la femme de la maison ». Car sa belle-mère Laure… « Madame Doré travaillait pu, racontera Blanche 68 ans plus tard… Elle avait juste 52 ans, mais elle travaillait plus. » Dans cette famille Doré, il n’y a que des garçons, ou presque. Blanche se retrouve avec sa belle-sœur Marie à s’occuper de 13 personnes : « Faire le lavage, faire cuire le pain… J’ai commencé à tout faire ça… J’avais jamais fait ça. » 

Héraclius Doré et Blanche Lizette, sur la terre du rang Sainte-Anne (Couchepagane). La photo est datée du 30 mai 1930. Les personnes à droite seraient Jean-Baptiste Doré, frère d'Héraclius, et sa femme.

par Marc Doré

Il ne faut pas oublier qu'elle a tout juste 18 ans, la petite Blanche, et qu'elle est anglophone dans un milieu totalement francophone. Rapidement, elle est enceinte : son premier bébé, Cécile, naîtra au mois de novembre 1920; et elle aura 15 autres enfants au cours des 23 années suivantes.

Chef de famille de facto, Héraclius cultive la terre, avec succès. C’était un bon cultivateur qui a gagné des prix d’excellence attribués par le gouvernement du Québec, le Mérite agricole. Mais il n’a jamais été propriétaire de cette terre, que la famille, toujours dirigée par la mère Laure Villeneuve, finit par perdre en septembre 1935. Blanche, Héraclius et leurs enfants doivent quitter la terre familial et déménager au village, littéralement jetés à la rue juste avant l’hiver : « Nous autres, 10 enfants dans le milieu du chemin, Angèle avait 40 jours », se rappellera Blanche. Angèle est née le 18 août 1935.

Il faudra attendre une dizaine d’années pour que Héraclius retrouve une terre ; cette fois, il est propriétaire dans le Rang 2 de Saint-Jérôme ; les six derniers enfants naîtront donc au village. Le couple Lizette-Doré finira d’élever sa famille sur cette terre, qui sera transmise éventuellement à son fils le plus vieux, Hubert, après le décès de Héraclius en 1955.

Blanche et ses enfants reviendront ensuite s’installer à Métabetchouan.

Les chansons de Blanche

Chanson que Blanche a interprétée pour une de ses petites-filles (Paule, fille de Paul-Émile) en septembre 2001, quelques mois avant son décès. Blanche prenait beaucoup de plaisir, durant ses dernières années, à parler anglais avec Paule et son mari André Bourque.  When You and I Were Young, Maggie.  On pourrait croire qu'il s'agit d'une chanson irlandaise apprise par Blanche durant son enfance dans sa famille irlando-canadienne-française de Moose Creek. En fait, il s'agit d'une chanson canadienne, ontarienne même. Les paroles sont de George Washington Johnson, un enseignant canadien de Hamilton qui écrivit en 1864 ce poème pour une de ses élèves dont il était amoureux, Margaret « Maggie » Clark. Ils se marièrent en 1864, mais la santé de Maggie se détériora et elle mourut le 12 mai 1865. Le compositeur américain d’origine anglaise James Austin Butterfield mis ce poème en musique en 1866, et la chanson devint rapidement populaire dans les familles où on jouait du piano. La chanson fut enregistrée la première fois en 1905 et a fait partie du répertoire d’une foule de chanteurs populaires dans les modes pop, country, blues et jazz. Dans les années 1980, la chanson fut interprétée par plusieurs chanteurs et groupes irlandais, ce qui a donné à penser qu’il s’agissait d’une chanson irlandaise. Les Écossais, qui l’utilisent, tentent eux aussi de se l’approprier.

Cette triste histoire est parfaitement dans le ton des chansons que les Irlandais ont amenées avec eux en Amérique. Blanche chantait aussi de vraies chansons irlandaises, comme Danny Boy, dont on a dit que c'est la chanson la plus triste jamais écrite, portée ici par la voix de la chanteuse américaine décédée Eva Cassidy.

1916: John Lizette s’en va-t’en-guerre!

Au début de l’année 1916, John Joseph Lizette, fils aîné d’une famille franco-irlandaise éclatée, demeure depuis dix ans chez ses grands-parents paternels Maxime Lizotte et Elizabeth Holland à Massena, New York. Il a 21 ans, c’est un ouvrier spécialisé et il a vécu toute sa vie d’adolescent et de jeune adulte aux Etats-Unis. Officiellement, les Etats-Unis n’entreront pas en guerre contre l’Allemagne avant 1917. C’est donc au Canada que John Lizette devra s’inscrire pour aller combattre.

par Marc Doré

À l’été 1916, il s’engage dans le Corps expéditionnaire canadien pour aller combattre sur le front en Europe. Sa mère Cécile Gagnon et ses deux sœurs Blanche, 14 ans, et Lilly, 12 ans, sont à Montréal depuis peu. Elles demeurent sans doute au 6, rue Osborne, tout près de la gare Windsor où s’arrête le train qui les a amenées à Montréal depuis Cornwall, Ontario d’où elles viennent. À moins qu’elles soient rendus place Jacques-Cartier où elles résideront aussi à un moment donné.

John Joseph Lizette, vers 6 ans

John Joseph Lizette, vers 6 ans

Blanche se rappelle : « Nous sommes allées le reconduire au train qui l’amènera vers Halifax » pour la traversée vers l’Angleterre. C’est la fin de l’été 1916, peut-être septembre ; la guerre dure depuis maintenant deux ans, et c’est une sale guerre.

La carte d’embarquement du soldat John Lizette est datée du 26 septembre, sur le navire Laconia en partance de Halifax pour l’Angleterre. Il arrive à Liverpool, Angleterre, le 6 octobre. Le 24 février 1917, il est en France, à Boulogne-sur-Mer. Il passera son service militaire dans les tranchées du nord de la France. Il sera blessé au moins une fois, et souffrira de la fièvre des tranchées, de bronchites et de l’influenza. Engagé comme simple soldat, il terminera la guerre comme caporal.

Quelques mots sur cette « fièvre des tranchées ». Également appelée fièvre de Wolhynie ou fièvre quintane, c’est une maladie infectieuse causée par la bactérie Bartonella quintana transmise par les Pediculus humanus humanus (ou pou de corps). Comme son nom l’indique, elle a touché beaucoup de soldats de la Première Guerre mondiale, soumis à des conditions d’hygiène déplorables dans les tranchées froides et humides du nord de la France.

« Rats, poux et épuisement » : c’est ainsi qu’on résume au Musée de la guerre du Canada les conditions de vie dans les tranchées de la Première Guerre. (Cliquez sur le lien coloré pour lire l'article)

La guerre prend fin le 11 novembre 1918, mais John Lizette ne sera démobilisé que le 19 août 1919, à Québec. Lui, le fils aîné, quand il a quitté sa mère Cécile en 1916 ignorait évidemment que c’était la dernière fois qu’il la voyait, qu’il l’embrassait. Quand elle décède en avril 1919, à l’Hôtel-Dieu de Chicoutimi, John, encore outremer, est le seul de ses enfants qui n’assistera pas à ses funérailles.

Mais il garde un lien solide avec elle : durant toute la durée de son service militaire, une partie de la solde de John sera versée directement à sa mère Cécile. Dans un document daté du 4 août 1916, John Lizette indique qu’il donnait, avant de s’engager dans l’armée, un montant de 15$ par mois à sa mère, malade et séparée, pour la faire vivre elle et ses deux fillettes. Le même montant sera versé par l’armée à sa mère du mois d’octobre 1916 au mois de mai 1919.

Quand il sera démobilisé à Québec, John donnera comme son adresse le 38, Centre Street, Massena, N.Y., qui semble être l’adresse d’une personne nommée E. Lizette, sans doute sa grand-mère Elizabeth Holland Lizette, veuve depuis 1915 de Maxime Lizotte. Notons aussi qu’au moment de traverser la frontière américaine vers Massena, le lendemain de son arrivée à Québec, John est accompagné de son épouse anglaise qu’il amène en Amérique.

Quelques détails supplémentaires sur John Joseph Lizette, colligés dans son dossier militaire. Ainsi, on apprend, en date du 23 février 1916, que l’adresse de son père John  Maxime Lizette est le 735, Toronto Street, Winnipeg. Les parents de John Fils sont séparés depuis 1907 ou 1908. Tandis que Cécile Gagnon Lizette et ses filles vivront à Cornwall, puis Montréal avant de migrer vers le Saguenay-Lac-Saint-Jean, John Maxime Lizette vivra à Massena, NY, puis au Minnesota et finalement à Winnipeg où il mourra en 1931. Éventuellement John Lizette, le fils, ira s’établir à Winnipeg, ainsi que son frère Hubert. Il est décédé en 1971; Hubert en 1988; Blanche en 2002.

 

Deux affiches de recrutement à Montréal durant le Première Guerre

La pierre tombale de Maxime John Lizette dans un cimetière de Winnipeg. Hubert, l'autre fils Lizette, y est enterré aussi, de même que Mary Fletcher, la seconde épouse d'Hubert.

Cécile Gagnon en Ontario à 14 ans

Quelque part durant les années 1880, quatre jeunes hommes quittent une terre du Lac-Saint-Jean, près de Saint-Jérôme de Métabetchouan, pour aller travailler dans la région de Cornwall, en Ontario. Leur famille n’est pas arrivée sur la plaine de Métabetchouan depuis si longtemps, pourtant. Ce sont leurs père et mère qui sont venus s’établir au Lac-Saint-Jean, vers 1860, laissant Sainte-Agnès de La Malbaie et Charlevoix où ces Gagnon descendants de l’ancêtre Mathurin Gagnon étaient installés depuis plusieurs générations.

PAR MARC DORÉ

Ces quatre jeunes hommes sont les fils célibataires de François Gagnon et Pauline Dallaire, anciennement d’Hébertville mais vivant alors à Métabetchouan, sur les bords de la rivière Couchepagane. Ils se nomment Joseph, Thomas-Louis, François et Jean-Baptiste. Et ils réussiront éventuellement à convaincre leur mère de les laisser amener avec eux leur jeune sœur, Cécile, pour tenir maison. Née en 1874, à Saint-Jérôme de Métabetchouan, Cécile Gagnon est l’avant-dernier enfant de François Gagnon et Pauline (Apolline ou Poline, on trouve dans divers documents officiels les trois versions du prénom) Dallaire, originaires de Sainte-Agnès.

PAS FACILE LE LAC-ST-JEAN

Dans les années 1880, il y a déjà une trentaine d’années que des colons, arrivés de Charlevoix et de la Côte-Sud par la voie fluviale (rivière Saguenay jusqu’à Chicoutimi, rivière Chicoutimi jusqu’au...

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On pense que c’est vers 1888 (elle a 14 ans), qu’elle rejoint dans l’Est ontarien quatre de ses frères partis là-bas pour travailler : Joseph (né en 1862), Thomas-Louis (né en 1867), François (né en 1872) et Jean-Baptiste (né en 1876). Elle reviendra au Saguenay pour y mourir, 31 ans plus tard. Elle décède en effet le 16 avril 1919 à l’Hôtel-Dieu Saint-Vallier de Chicoutimi ; ses funérailles ont lieu le 19 du même mois, à la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi. Elle est enterrée dans le cimetière Saint-François-Xavier, mais l’emplacement exact de sa tombe est inconnu.

On ne connait pas exactement les raisons de cette migration familiale majeure. Blanche Lizette, fille de Cécile, dans une longue entrevue enregistrée, dira à Paul-Émile Doré son fils que tous les Gagnon sont allés en Ontario, certains pour quelques semaines ou quelques mois, d’autres pour des années ou pour la vie.

Cette famille Gagnon est fraichement arrivée au Lac-Saint-Jean, une nouvelle région ouverte à la colonisation à partir des années 1850 ; tous ses membres ont mis de grands efforts à défricher cette terre encore recouverte de forêts au milieu du 19e siècle. C'est pour ces lots de culture accessibles et disponibles à qui veut les prendre que François Gagnon et Pauline Dallaire ont quitté Sainte-Agnès de Charlevoix, un pays où déjà toutes les lopins cultivables sont occupés.

François Gagnon et Pauline Dallaire se sont mariés le 21 août 1849 à Sainte-Agnès de Charlevoix, tout à côté de La Malbaie. Ils auront 12 enfants dont les plus jeunes naitront au Lac-Saint-Jean où ils se sont établis vers la fin de la décennie 1860. Et il faut trouver des terres pour tous ces enfants qu’ils mettent au monde.

LA MIGRATION DES GAGNON « MATHURIN » (à venir) et LA MIGRATION DES LIZOTTE

 

Arrivés à Hébertville, qui est depuis 1850 la porte d’entrée de la colonisation du Lac-Saint-Jean pour les migrants de la Côte-Sud et de Charlevoix, les Gagnon-Dallaire se fixent dans le rang Sainte-Anne, le pays de Couchepagane le long de la Belle-Rivière. Il n’est pas inutile de rappeler que cette migration se fait par le chemin d’eau (rivière Saguenay jusqu’è Chicoutimi ; rivière Chicoutimi par le Portage du Coteau ; lac Kénogami et Kénogamichiche; portage vers la Belle-Rivière). C’est le même chemin pris à la fin du 17e siècle par l’ancêtre Nicolas Peltier qui s’y établit pour un temps dans les années 1680, et qui passa 50 ans de sa vie dans le Domaine du Roy. Ces Gagnon-là sont des descendants de Peltier et de sa petite-fille métisse Cécile Kaorate.

 

Cécile et ses trois enfants vivants vers 1901, John Jr, Hubert et Pauline-Blanche

John Maxime Lizette photographié dans un studio du Minnesota à une date inconnue

À peine vingt ans, une génération quoi ! voilà que les enfants de François Gagnon et Pauline Dallaire reprennent la route. À Moose Creek, Ontario, Cécile épouse le 10 octobre 1893 John Maxime Lizotte, né en 1875. Ces Lizotte, partis de Rivière-Ouelle à la fin du 18e siècle, ont remonté lentement le fleuve et sont rendus en Ontario depuis trois générations. John Junior, le premier enfant du jeune couple (Cécile a 20 ans, John Maxime 19), naît en septembre 1894 ; quelques mois auparavant, sa grand-mère Elizabeth Holland Lizotte avait donné naissance à son onzième enfant, Arthur Onézime Lizotte. Elle en aura 12, dont le dernier est né en 1896.

Cécile et John Maxime auront ensuite quatre enfants, qui mourront en bas âge: Thomas Wilfrid (1897-1900); les jumeaux Émilien et Émile en 1898, des prématurés qui décèdent à la naissance pour l’un, quelques semaines après pour l’autre; Pauline Blanche (1899-1901) qui vivra juste assez longtemps pour avoir son nom dans un recensement. Le nom de cette Blanche se retrouve en effet dans le recensement de 1901, tout comme celui d’Antoine Hubert, né en 1900. Une photo où se trouvent certains des enfants disparus s’est rendue jusqu’à nous.

En 1902, c’est l’année de la naissance de la seconde Blanche, qui vivra cent ans et aura 16 enfants ; puis Rosina Zélia, dit Lilly, nait en 1904 (elle est décédée en 1933). Cécile accouche de son dernier bébé, Damien, en 1908 ; l’enfant décède en 1909. Elle a alors 35 ans. C’est son 8e accouchement en moins de 15 ans ; seulement quatre de ses neuf enfants se rendront à l’âge adulte.

 

Une photo-carte postale envoyée par Cécile Gagnon à sa nièce Apoline Gagnon le 9 octobre 1912. De g. à d., Blanche-Ida, Hubert, Lilly

On ne sait pas exactement quand John Maxime Lizette a quitté sa famille. Blanche dit se rappeler que ça s’est produit un soir terrible, quand elle avait 4 ans, en 1906 ou 1907, donc. Mais il est possible que cet évènement traumatisant se soit déroulé en plusieurs épisodes de départ et de retour : le dernier né de Cécile, Joseph Gérard Damien est né en effet le 2 février 1908.

Au recensement de 1911, Cécile est identifiée comme « chef de ménage » ce qui confirme que son mari ne vit plus avec elle. Elle réside alors à Stormont, près de Moose Creek, avec trois de ses enfants : Herbert (Hubert) 11 ans, Blanche, 9 ans, Lillie, 7 ans. Les enfants font encore des séjours à l’orphelinat à cette époque, et sans doute les deux filles continuent-elles d’être éduquées en anglais par les sœurs irlandaises de l’orphelinat qu’elles fréquenteront jusque vers 1914-15, selon Blanche. Leur mère en effet doit gagner sa vie, peut-être comme femme à tout faire à Cornwall, où elle réside à partir de 1912 vraisemblablement, selon une carte postale du 9 octobre 1912 envoyée à une nièce de Moose Creek qu’elle invite à venir faire un tour chez elle - la missive est datée de Cornwall.

Son fils aîné John (né en 1894) ne vit plus chez elle depuis plusieurs années. Ce sont ses grands-parents Maxime Lizotte et Elizabeth Jane Holland, qui en sont aussi les parrain et marraine, qui l’accueillent chez eux à Massena, dans l’État de New York, où il travaille dans le commerce familial. Maxime et Elizabeth vivent aux États-Unis depuis 1899 où ils se sont installés définitivement. Maxime décèdera en 1917, Elizabeth en 1934; les avis de décès publiés dans les journaux locaux indiquent qu’ils sont bien enracinés dans leur communauté. Il semble qu’Hubert passera aussi du temps chez ses grands-parents, si bien qu’en 1916, quand Cécile partira vers Montréal où elle séjournera deux ans, elle le fera avec ses deux filles seulement.

1916, c’est aussi l’année où John jr s’engage dans l’armée canadienne, le Corps expéditionnaire canadien composé de volontaires pour aller combattre en France sur le front des tranchées. Sa mère et ses sœurs sont allées le reconduire au train qui l’amènerait de Montréal à Halifax où il s’embarquera sur le transporteur de troupes Laconia en direction de Liverpool, Angleterre.

En 1919, le 21 août, retour d’outre-mer, on trouve sa trace aux douanes américaines. Trois jours après avoir été démobilisé à Québec, il est enregistré au poste de douane de Port of Fort Covington, en face de Cornwall, Ontario, accompagné d’une femme de 24 ans, Elizabeth, sans doute sa femme anglaise épousée à Liverpool durant la guerre. Il y déclare au douanier américain qu’il a vécu aux États-Unis de 1907 à janvier 1916, à Massena, New York. En plus des sommes qu’il fait parvenir à sa mère Cécile à Montréal, durant la guerre John verse une partie de sa solde militaire à « E. Lizette, Massena, NY ». La grand-mère Elizabeth était veuve depuis le décès de son mari Maxime Lizette, en 1917.

Le même poste de douane enregistre le passage en juillet 1917 de son frère Herbert, 16 ans, à destination de Massena. Les archives des douanes américaines conservent la trace de passages réguliers des frères Lizette jusqu’au milieu des années 1920. C’est après cette date que John Maxime déménagera à Winnipeg, Manitoba, et que l’y rejoindront ses fils John et Hubert. C’est là qu’il est mort en 1931, et c’est là qu’il est enterré. Les fils Lizette y passeront toute leur vie mais leurs soeurs vivront elles au Lac-Saint-Jean.

Deux affiches de propagande de la Première Guerre mondiale, à Montréal

Pierre tombale de John Maxime Lizette. Winnipeg

La lente migration des Lizotte

L’ancêtre à l’origine de tous les Lizotte d’Amérique se nommait Guillaume Lisot; ce sont ses descendants qui ont répandu la forme « Lizotte » ainsi qu'une liste impressionnante de formes: Lizot, Lyzot, Lisote, Lisotte, Lisette, Lizette. Le patronyme de Guillaume s’écrit parfois Lisot ou Lissot et on trouve dans des documents du 19e siècle des Lisote, avec « s » et un seul « t ». Le nom Lizotte semble un diminutif du prénom Élise ou Élisabeth, tout comme les variantes Lizot, Liset, Lizet. C’est un nom très rare en France, selon le site spécialisé Geneanet.

par Marc Doré

Guillaume Lizot est arrivé à Québec après 1660, en 1662 selon certaines sources. Il avait alors environ 19 ans. Il était né vers 1643, le fils de Robert Lizot et Catherine Joanne, dans la paroisse de Saint-Pierre-la-Gravele, à Lisieux, dans la région du Calvados en Normandie. Il avait signé un contrat de travail de 3 à 5 ans avec Noel Langlois, à Beauport. À la fin de son contrat d’engagé, il décida de rester en Nouvelle-France et ne retourna jamais dans son pays.

On sait qu’il savait signer : voici sa signature, qui lui donne l’air assuré d’un homme doté d'une certaine instruction. Ses descendants vont perdre cette connaissance puisque rapidement les registres paroissiaux des naissances, mariages et décès de la famille porteront le plus souvent l’infamante phrase « ne sachant signer ». Il signait, semble-t-il, Lizzot, et faisait suivre son nom d'une fioriture plutôt élégante.

En 1665, il obtint une terre de Jean Pelletier, dont il épousera la fille Anne Pelletier alors âgée de 13 ans, en 1670. Deux enfants naissent à Beauport : Françoise en 1672 et Nicolas Claude en 1674. La famille va ensuite s’installer près de Rivière-Ouelle, à Grande-Anse, qui deviendra éventuellement Sainte-Anne-de-la-Pocatière; sept autres enfants y naîtront à partir de 1675.

La famille Lizotte fait partie de la dizaine de familles qui sont à l’origine de ce coin de pays. Elle demeurera dans ce secteur pendant environ un siècle.

Que Phips se le tienne pour dit !

Les Lizotte, le père, Guillaume, son fils de 16 ans Nicolas et sa fille Françoise, 18 ans, ont été impliqués dans un événement bien connu de l’histoire de la Nouvelle-France qui a eu des répercussions dans leur petit coin de pays.

En 1690, l’amiral bostonnais Charles William Phips, à la tête d’une flotte imposante (on parle d’une trentaine de navires et de 2000 hommes) remonte le Saint-Laurent avec l’objectif de détruire Québec et d’expulser les Français du pays. Rendu devant Québec dont il fait le siège, c’est ce Phips qui recevra du gouverneur Frontenac cette fin de non-recevoir à une demande de reddition : « Allez dire à votre maître que je lui répondrai par la bouche de mes canons! »

Ce qu'on sait moins, c'est qu'un groupe de Bostonnais qui faisaient partie de l'expédition avait décidé, en cours de route, de descendre à terre, en chaloupes, à la Rivière-Ouelle pour s'approvisionner en eau fraîche. On suivait, chez les colons français éparpillés le long du fleuve, l'avancement de cette expédition et c'est bien préparés et menés, semble-t-il, par leur curé qu'une quarantaine de colons, avec leurs femmes et leurs enfants les plus âgés, attendirent en embuscade sur la rive les envahisseurs anglais. Dès qu'ils eurent mis pied à terre, une pluie de balles et d'autres projectiles s'abattirent sur eux, les obligeant à rembarquer dans la confusion. Le combat fit plusieurs morts et blessés chez les Bostonnais, aucun parmi la petite troupe locale. On peut lire cette anecdote (un peu romancée, peut-être?) ici et . Certaines sources ajoutent aux noms des colons et de leurs fils, ceux de leurs femmes et filles, qui n'étaient pas manchotes, rappellent-elles; elles estiment également que les défenseurs de la Rivière-Ouelle étaient plus nombreux, et que la liste "officielle" qui a cours depuis toujours comprend des personnes qui n'étaient pas présentes lors de l'escarmouche.

La terre de l'ancêtre Guillaume Lizot, à Grande-Anse.

À partir de la cinquième génération, les Lizotte commencent à quitter la région de Rivière-Ouelle, vraisemblablement parce qu’il n’y a plus de terres dans cette région pour accueillir les enfants des familles trop nombreuses. C’est aussi l’époque où les enfants sans avenir économique des ruraux canadiens-français commencent à émigrer vers les États-Unis, et qu’un mouvement de colonisation des terres du Domaine du Roy, impulsé par le clergé local, dont le fameux curé Hébert, prend forme pour aller s’installer au Lac-Saint-Jean.

Augustin Lizotte et Marie Anne Peltier se marient à Saint-Roch-des-Aulnaies le 14 novembre 1797. Leurs premiers enfants y naissent : Marie Anne Céleste en 1800 ; Marie Scholastique en 1805 ; Germain en 1808 ; Marie Henriette en 1810. Les deux derniers sont baptisés ailleurs, signe que la famille a commencé à se déplacer : Louis Maxime en 1812 à Saint-André de Kamouraska, Augustin fils à Berthierville en 1820.

 

Notons que l’orthographe du nom de famille se modifie aussi. Le père, Augustin, se marie à Saint-Roch sous le nom de Lizotte. Ses premiers enfants baptisés à Saint-Roch sont nommés Lisot. Le cinquième, Louis Maxime, baptisé à Saint-André, devient un Lizot. Et Augustin, son frère baptisé à Berthierville, Lyzot. François, vraisemblablement le dernier de la famille, serait né en 1811, à Sorel.

Ces modifications du nom vont continuer jusqu'à la fin du 19e siècle : à son décès à Sorel, Augustin père est devenu un Lisotte; ses enfants Germain et Henriette, mariés à Montréal en 1837 et 1840 sont des Lizote.

Tout ça n’est pas inhabituel : la plupart des gens dont le nom entrent dans les registres ne savent pas écrire, comme le notent les extraits de baptême, de mariage et de sépulture, pas plus que leurs témoins d’ailleurs, et bien souvent le curé officiant est la seule personne instruite du groupe. La formule usuelle « ne sachant signer » se retrouve dans une majorité d’actes officiels et l’orthographe des noms est laissé aux bons soins du prêtre et à ses connaissances.

Il semble que la famille d’Augustin Lizotte soit demeurée à Sorel pendant quelques années, mais pas au complet. Augustin y décède en 1831, quelques semaines après le mariage de son jeune frère François avec Marie Clément Lacouture. Cependant, deux de ses enfants, Germain et Henriette, se marient à Notre-Dame de Montréal (en 1837 et 1840, respectivement).

Maxime Lizote (notez l’orthographe) se marie avec Julie Cabana le 1er juin 1843, à Notre-Dame de Montréal lui aussi. L’acte de mariage note que sa mère est de la paroisse de Sorel. La famille de son épouse est de cette paroisse de Montréal. Le beau-père Guillaume Cabana est journalier ; il y a des chances qu’il travaille au port de Montréal tout près. Maxime, lui, déclare qu’il est « voyageur ».

Le premier enfant de Maxime et Julie, une fille prénommée Marie Julie, naît le 28 juillet 1843, moins de deux mois après le mariage. Et Maxime le père est absent au baptême. Naissent ensuite Marie Rachel Lizotte (1845), le père est encore absent ; Maxime-Léon Lisotte (1847) ; Antoine Adolphis Lizotte (1850) ; Onésime Lizotte (1851) ; Marie-Louise Lisotte (1855). Tous sont baptisés à Notre-Dame de Montréal, sauf Onésime qui sera baptisé à Joliette, où la famille réside en 1851.

On constate aussi en lisant cette liste de noms que les enfants de Maxime Lizotte ne s’appellent pas tous… Lizotte!

Mais le grand déplacement des Lizotte se poursuit vers l’Ouest du pays.

Sauter les rapides (1879), par Frances Hopkins, une peinture qui illustre le travail d'un équipage de voyageurs dans son rabaska.

Maxime Léon Lizotte et Elizabeth Jane Holland, les grands-parents de Blanche Lizette

Maxime-Léon se marie à Roxborough en 1872, avec une Irlandaise de seconde génération au Canada, Elizabeth Jane Holland. Né à Montréal en 1847, il a alors 25 ans. On ne sait pas trop depuis quand il est rendu en Ontario, mais cette région connaît alors une bonne croissance économique liée à l’exploitation des forêts qui se développe dans la deuxième moitié du 19e siècle.

Le couple irlando-canadien-français aura une douzaine d’enfants qui porteront le patronyme Lizette, une autre forme du nom Lizotte. Le fils aîné, John Maxime Lizette, épousera en 1893 Cécile Gagnon, originaire du Lac-Saint-Jean et arrivée avec plusieurs membres de sa famille dans l’Est ontarien durant les années 1890.

John Maxime Lizette et Cécile Gagnon sont les parents de Blanche Ida Lizette, l’ancêtre du clan Lizette-Doré de Couchepagane, à Métabetchouan, Lac-Saint-Jean.

Thomas Holland l’Irlandais

Thomas Holland est le grand-père paternel de Blanche Lizotte dite Lisette. Il serait né vers 1801, en Irlande. Il est catholique. Il est originaire du comté de Longford, un des derniers bastions de la résistance armée aux forces militaires anglaises.

On ignore exactement quand il est arrivé au Canada, mais on trouve sa trace dans le recensement du Canada-Uni de 1851. Il a alors 51 ans et  il est fermier à Roxborough, Stormont County, Canada-Ouest (Ontario).

Vivent avec lui : Ann Holland, 29 ans, née en Irlande, ainsi que leurs enfants nés au Canada et énumérés en ordre chronologique : James, 14 ans; William 12 ans; Mary 10 ans; Thomas 8 ans; Ellen 5 ans; Margaret 4 ans; Agnes 2 ans; Ann 6 (ans? mois? La question se pose parce qu'elle est la dernière de la liste du recensement.)

Par MARC DORÉ

La famille est membre de la « Church of Rome », catholique donc. Un détail : tous leurs voisins qui se retrouvent sur la même page du recensement de 1851, sont des protestants, irlandais ou écossais.

Elizabeth-Jane Holland, qui épousera en 1872 Maxime-Léon Lizotte, est née le 8 juillet 1853  et a été baptisée le 17 mars 1854. Dans le registre de la paroisse, le nom de sa mère est Nancy McLauchlan (une autre forme de McLaughlin). Elle est décédée en 1934.

Il y a une bizarrerie à propos de l'acte de décès d'Ann McLaughlin : il semble y avoir deux actes légèrement différents l'un de l'autre pour la femme de Thomas Holland :

- le premier acte est celui d'Ann McLaughlin, décédée le 26 février 1895. Elle a « environ » 80 ans; c'est une « farmer's wife » née dans le comté de Longford, Ireland, et qui serait décédée « of infirmities of old age ». Le médecin qui a signé l'acte de décès se nomme J.A. McNaughton. La date d'enregistrement est le 28 février. La personne qui a fourni les informations sur la décédée est le révérend M.J. Leaky, Moosecreek, Ontario.

CARTE DU COMTÉ DE LONGFORD

- Le second acte est au nom de Ann Holland, décédée le 26 février 1895 « of old age general debility ». Le médecin est le même (J.A. McNaughton), mais c'est le fils d'Ann, James Holland, qui déclare le décès, à Roxborough. Et il déclare qu'elle a 82 ans.

Le premier acte de décès daté du 26 février 1895 lui donne 80 ans; elle serait donc née en 1815. Toutefois, si l'âge donné par son fils est le bon, elle serait née en 1813. Elle aurait donc eu 12 ans de différence avec son mari Thomas Holland, né en 1801. Mais si on se fie au recensement de 1851, elle serait plutôt née en 1822. Difficile de se démêler là-dedans... Et d'autant plus, si on se fie au recensement toujours, qu'elle n'a que 15 ans de différence avec son fils aîné.

La fin du 18e siècle est marquée en Irlande par des luttes armées largement inspirées par la révolution américaine et la révolution française. Une éphémère république d'Irlande est proclamée par une faction armée appuyée par des soldats français (1798-1800). Mais le mouvement est durement réprimé par l'armée britannique. Le Parlement anglais proclame l'Acte d'Union qui rattache complètement l'Irlande au Royaume-Uni. C'est au cours de la répression qui s'ensuivit et de la détérioration concomitante de l'économie rurale irlandaise que des vagues d'immigrants, catholiques et protestants, partirent pour le Canada. Au cours des décennies 1820, 1830 ils furent nombreux à s'installer au Québec, dans les grandes villes de Montréal et Québec, mais aussi dans les campagnes des Laurentides, des Cantons de l'Est et des Bois-francs. Cette première vague d'immigrants irlandais diffère beaucoup de celle qui suit la famine du milieu des années 1840. Les immigrants étaient surtout de petits fermiers dont la propriété était menacée par les grands propriétaires terriens anglais, et ils n’étaient pas victimes en arrivant de maladies mortelles comme ceux qui sont arrivés durant la période 1845-49 et pour lesquels le gouvernement créa l’institution de quarantaine de Grosse-Île, près de Québec.

Elizabeth Jane Holland, fille de Thomas et femme de Maxime-Léon Lizotte

Thomas Holland était du nombre des immigrants de la première vague, tout comme sa future femme Nancy Ann McLaughlin ; on peut croire qu’ils se connaissaient et qu’ils sont arrivés sur le même navire.

On aurait pu s'attendre à ce que les Irlandais catholiques dont la langue était asservie par l'envahisseur anglais depuis plusieurs siècles, sympathisent avec les Canadiens-français dont la situation avait beaucoup de ressemblance avec la leur. Mais ce ne fut pas le cas, semble-t-il.

Les deux groupes se battaient, parfois littéralement, pour les mêmes portions du marché du travail : le travail du bois y compris la coupe des arbres et leur transport vers les scieries, la construction navale, le travail sur les docks. Ces affrontements étaient particulièrement violents dans la région de l’Outaouais, autour de Bytown, la ville que nous connaissons maintenant sous le nom d’Ottawa.

L’Église catholique aurait pu jouer un rôle dans le rapprochement des deux communautés qui partageaient la même religion.  Mais la hiérarchie catholique mis plutôt son énergie à garder étanche les sphères respectives de chaque groupe, avec comme conséquence qu’ils n’eurent que peu de contacts entre eux. En particulier, on trouve peu de mariages entre Irlandais et Canadiens-français. Le cas de l’alliance des Lizotte et des Holland, dans l’Est ontarien, dont sont issus les Doré de Couchepagane, serait donc plutôt exceptionnel.

Signalons quand même un cas connu, et célèbre, d’union entre un Irlandais et une Canadienne-française. Émilie-Amanda Hudon, née en 1856 à Kamouraska, a épousé à Rimouski le 15 juin 1875 David Nelligan, né à Dublin en 1848 et arrivé au Canada en 1855 ou 1856 quand ses grands-parents paternels, Patrick Nelligan et Catherine Flynn, se sont installés à Montréal avec toute leur famille. Ce serait en faisant son métier d’inspecteur des Postes en Gaspésie que David rencontra Émilie. La dualité linguistique hérité de ses parents fut un fardeau insoutenable pour Émile, qui choisit sa mère contre son père. C’est ce dernier qui le fit interner à l’asile, le 9 août 1899. Schizophrène, le poète a vécu à l’asile Saint-Jean-de-Dieu jusqu’à sa mort, le 18 novembre 1941. L’écrivain Michel Tremblay, qui écrivit le livret de l’opéra Nelligan d’André Gagnon, insiste sur l’impossibilité de fusionner les cultures anglaise et française dans « une famille normale ».

 

Pour en savoir plus

Des chemins divergents : les Irlandais et les Canadiens français au XIXe siècle, Aidan McQuillan, département de géographie, Université de Toronto, 1999

Paul Wyczynski, Émile Nelligan, Fides, Ottawa, 1967, 192 p.

Wikipedia, Nelligan