Un nom dans le temps

 

En collaboration, Paul-Émile Doré, Raymond Doré, Marc Doré

Le patronyme Doré s'est fixé il y a bien longtemps car il est présent dans des  archives qui remontent au Moyen-âge. C’est un nom qu’on retrouve dans l’ouest du royaume de France, dans la région qu’on appelait Poitou-Saintonge et qui correspond aux départements actuels de Charente et Charente-Maritime. Certains estiment que le nom serait à l’origine celui d’un artisan qui travaillait les métaux précieux, comme l’or; un orfèvre qui fabrique des bijoux, ou mieux, un doreur, qui recouvre les statues de minces feuilles d’or.

Le Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, un ouvrage imposant dont les auteurs ont fait, à la fin des années 1800, la liste de familles portant ce nom à partir de diverses archives locales du Poitou et de la Saintonge, n’identifie aucun artisan porteur du patronyme. Les Doré qui s’y trouvent (certains d’aussi loin dans le temps que les années 1250) sont surtout des membres de ce qu’on appelle la bourgeoisie de robe : fonctionnaires municipaux et royaux, notaires et avocats, magistrats de justice et de police, conseillers, échevins, ecclésiastiques. Quelques militaires aussi, et des marchands et fermiers. Ces Doré se retrouvent autour d’Angoulême; dans la région de Poitier où vivent encore des Doré d’ailleurs en ce début de XXIe siècle. Ainsi, l’École nationale supérieure d’ingéniérie de Poitier est située au 1, rue Marcel-Doré, rendant hommage à un ancien professeur de l’institution.

Doré – Noms divers appartenant à différentes familles

Doré (Lambert), possédant un hébergement à Traversay, est cité comme témoin dans l’enquête faite par le châtelain de Poitiers et les forestiers de la Moulière sur certains droits que le comte de Poitou et le seigneur de Bonneuil se disputaient sur des hébergements de Traversay (1253-1269). À cette époque, il était âgé de 40 ans.

Doré (Aimery), était dès 1333 l’un des membres du conseil de la ville de Poitiers.

(extraits du Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, page 139)

Les Doré qui se sont établis en Nouvelle-France proviennent plutôt de la Saintonge et ils semblent venir du monde rural; il n’y a pas de liens familiaux confirmés entre eux et ceux du Poitou voisin. Louis Doré est originaire d’un hameau de l’Angoumois situé à l’ouest d’Angoulême, le Vivier-Jusseau, dont une parcelle porte encore aujourd’hui le nom de « chez Doré ». Jean Doré est originaire d’un village situé plus à l’ouest, situé près de Saintes, à Chaniers où ses parents exploitaient un établissement agricole. Tout près de là aussi, à Jarnac, il y a un lieu-dit qui s’appelle « chez Doré ». Le dernier immigrant s'appelait aussi Louis, arrivé en 1757, un grenadier du Régiment de Berry qui s'est marié avec une Canadienne et a pu ainsi éviter d'être renvoyé en France après la reddition de 1760.

Voici une photo du lieu-dit Chez Doré au Vivier-Jusseau, un cadeau à l'Association des Doré offert par les occupants actuels de la ferme ancestrale.

Le lieu-dit "Chez Doré", au hameau du Vivier-Jusseau, commune de Chives, Charente-Maritime.

On trouve la trace de Doré dès le début de la Nouvelle-France. Ainsi, Roger Doré est tué par les Iroquois avant 1664. Le nom de Michel Doré, un laïc au service des jésuites, se trouve sur les murs de la chapelle de Tadoussac. Pierre Doré de Saint-Nicolas (La Rochelle) épouse Jeanne Rivaut à Québec en novembre 1681; il décède en mai 1684 et ne laisse aucun descendant, mais une histoire étrange que ce site racontera bientôt.

Environnement culturel ou coquetterie, on n'en sait rien, mais certains des descendants des trois ancêtres Doré originaires de France qu'on retrouve en Amérique du Nord ont modifié l'orthographe de leur nom sans pour autant que la prononciation en change; cette tendance se remarquait déjà dans les registres de France. On y découvre une bonne quinzaine de variations du patronyme, dont voici les principales: Dauray, Dauré, Daurey, Dorey, Daurai, D'Auray, D'Aurey, Doray, Doret et Dorais. Il en existe quelques autres dans les registres où le prêtre officiant redouble le « r » : Dorré, Dorret, Dorrais, Daurray. Une partie de ces errances orthographiques s’explique par le fait que bien souvent les « clients » du curé sont analphabètes (« les registres fourmillent de la formule « ne savent écrire » suivie ou pas d’un X) et ignorent comment s’écrit leur nom, et que le curé n’en sait pas beaucoup plus qu’eux…

Parfois, comme on peut voir avec l’évolution de la famille Dauray de Marieville, puis du Rhode Island, il semble y avoir une volonté de greffer une lignée de ruraux sur un arbre généalogique de la noblesse française. On peut lire ailleurs sur ce site l'histoire de cette famille Dauray et de celui qui fut l’initiateur de cette « correction » généalogique.

D’autres fois, des noms de langues anglaise ou gaélique se sont métamorphosés en Doré. La similitude de consonance semble alors l'élément déterminant dans ce glissement d'une langue à l'autre. Voici deux exemples :

Un navigateur anglais du nom de John Dorry (ou Dory) débarque à Baie-Saint-Paul (Charlevoix) vers 1855. Né à Londres, il est fils de Thomas et Nancy Morris. Le 20 janvier 1857 il épouse à Baie-Saint-Paul Marie Simard, fille de Jérôme et de Marie-Catherine Gauthier. Le couple Dory-Simard a plusieurs enfants dont deux fils et trois filles: Joseph-Thomas, Joseph-Cléus, Marie-Catherine, Marie-Mélanie et Marie-Virginie. Quelques-uns de ces enfants prennent le nom Doré. Entre autres, Marie, épouse Georges Gauthier sous ce nom à Sainte-Anne de Chicoutimi le 24 juillet 1882. Des descendants de Louis Doré (1666), originaire de Saint-Augustin-de-Desmaures, vivent déjà à Baie-Saint-Paul depuis 1772 environ, quand Étienne a quitté la région de Portneuf pour s’y installer en épousant justement une Simard de la place. Cette proximité physique et sociale peut expliquer le glissement du nom de l’anglais vers le français.

Deuxième cas, cette fois dans la région de Drummondville. Une famille, originaire de Limerick, en Irlande, arrive au Canada vers 1840, passe environ un an à Kingston (Ontario) et s'installe définitivement à Saint-Germain-de-Grantham. Il s'agit de la famille de Patrick Dore (sans accent) et de Honora Morgan, qui viendront rejoindre une sœur de Patrick installée au Bas-Canada depuis 1832. Selon une personne issue de cette famille et qui a fait des recherches, le nom d'origine serait Dorr ou Doaer, façon originale de l'écrire mais plus authentique, dit-elle. Le fils de ce premier colon, prénommé aussi Patrick, eut onze enfants d'un premier mariage à Ellen Watkins et dix d'un deuxième mariage à Elzire Jeannelle. Au moins un descendant de cette famille résidant à Drummondville a été membre de l'Association des Familles Doré. La plupart des enfants de Patrick ont émigré aux États-Unis. Le chansonnier Georges Dor, l'auteur de la chanson La Manic, et sa petite-fille la comédienne Léa Labrèche-Dor sont des descendants de Patrick et d’Elzire Jeannelle.

Ce site publiera bientôt l’histoire de la famille de Patrick Dore qui a fait l'objet d'une recherche historique et généalogique impressionnante par Maurice Vallée de Saint-Germain-de-Grantham.

Et à cette énumération s'ajoutent les noms des Doré qui se sont établis en Nouvelle-France et qui y ont laissés des descendants que l'on retrouve aujourd'hui au Québec et au Canada: Louis (1666), Jean (1730) et Louis (1759), trois sujets du roi de France. Un certain nombre de leurs descendants ont émigré aux États-Unis et ailleurs.

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